Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/154

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« Si deux droites d’un plan forment avec une troisième droite de ce plan, et du même côté de celle-ci, deux angles intérieurs dont la somme est inférieure à deux droits, ces deux droites, prolongées, se rencontrent du côté où les angles sont plus petits que deux droits » (ce qui revient à dire — si l’on tient compte des autres postulats et axiomes — que « par un point extérieur à une droite donnée on peut mener une seule parallèle à cette droite »). Or, non seulement, les efforts des géomètres n’avaient pas abouti, mais Saccheri[1] avait établi (vers 1730) — sans d’ailleurs se rendre bien compte de la conclusion qui résultait de ses recherches — qu’à supposer rejeté le cinquième Postulat, on pouvait néanmoins déduire des autres hypothèses euclidiennes une longue suite de théorèmes rigoureusement enchaînés et exempts de toute contradiction. Tel est le fait dont, vers 1830, Lobatscheffsky et Bolyai[2] prouvèrent sans contestation possible la réalité, et qui leur permit de fonder une nouvelle géométrie dans laquelle on peut mener par un point plusieurs parallèles à une même droite. Voilà qui bouleversait, semble-t-il, toutes les idées reçues en géométrie. Pourtant les deux novateurs, en considérant qu’une science construite suivant les règles de la construction logique est nécessairement légitime, ne faisaient que tirer les conséquences naturelles de la théorie synthétiste des mathématiques. Ils avaient créé la première et la plus simple des géométries partielles. Riemann, en 1854, en créa une seconde[3]

  1. Dans son Euclides ab omni nævo vindicatus, Milan, 1733.
  2. Lobatscheffsky dans un mémoire présenté à l’université de Kazan en 1826, Bolyai dans un ouvrage publié en 1832.
  3. Il en exposa les principes dans sa thèse de l’université de Göttingen : Ueber die Hypothesen welche der Geometrie zu Grunde liegen.