Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/164

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mathématiques ; dans presque toutes les parties, on est arrêté par des difficultés insurmontables ; des perfectionnements de détail semblent la seule chose qui reste à faire. Toutes ces difficultés semblent annoncer que la puissance de notre analyse est à peu près épuisée, comme celle de l’algèbre ordinaire l’était par rapport à la géométrie transcendante au temps de Leibniz et de Newton, et qu’il faudrait des combinaisons qui ouvrent un champ nouveau au calcul des transcendantes et à la résolution des équations qui les contiennent ».

On voit par cette dernière phrase que Delambre reste fidèle à la conception synthétiste ; il admet que c’est en construisant de nouvelles « combinaisons » algébriques que l’on parviendra à enrichir la science. Et, pour préciser son idée, Delambre signale les intégrales définies — étudiées par Euler — comme pouvant donner matière à de telles combinaisons. En fait, c’est en adoptant un point de vue différent que l’Analyse mathématique a réalisé au xixe siècle des progrès remarquables. Mais, pour l’instant, nous ne voulons retenir qu’une chose du rapport de Delambre. Nous y voyons que les théories mathématiques ont cessé, dès l’an 1800, de se dérouler ou de se développer mécaniquement. Pour progresser le mathématicien a besoin de trouver un nouveau fil conducteur ; il lui faut, contrairement à ce que prévoyait Descartes, faire un effort d’inventeur, accomplir un travail de découverte qui n’a point un caractère synthétique et où les méthodes logiques et algébriques ne lui seront que d’un faible secours.

Cherchons à déterminer d’une manière plus précise les causes qui limitent le pouvoir de ces deux méthodes, — méthode logique et méthode algébrique — en nous attachant tout d’abord à la première, considérée sous sa forme la plus générale.