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moins que je ne sache déjà que les points ayant ces nombres pour abscisses et ordonnées sont sur une même courbe, celle de la fonction exponentielle.

Pour parer à cet inconvénient, Peano introduisit naguère — à côté du symbole f correspondant à la notion générale de relation fonctionnelle — un nouveau symbole, F, qui, dans son Formulaire[1], s’appelle « fonction définie » et qui est « l’ensemble d’une fonction f et de la classe des valeurs prises par la variable indépendante ». Moyennant cette définition, il espérait que l’on pourrait établir par voie logique les propriétés des fonctions mathématiques[2].

La définition des relations F est, en effet, logiquement, satisfaisante mais elle ne nous donne qu’une représentation fragmentaire des fonctions mathématiques, puisqu’elle ne les considère que pour certaines classes de valeurs de la variable. Il est vrai que l’on pourrait étendre infiniment cette classe de valeurs, et définir alors la fonction, ainsi que te propose Couturat, « par la totalité de son extension, c’est-à-dire par tous les couples de valeurs des variables qui le vérifient[3] ». Mais cette vue soulève de graves objections. En admettant, en effet, que l’on puisse considérer comme légitime au point de vue de la pure logique une définition dans l’énoncé de laquelle entrent une infinité de conditions, encore devra-t-on s’assurer que ces conditions sont réalisables. Or c’est précisément une question discutée par les mathématiciens de savoir ce qu’on est en

  1. Voir plus haut, p. 163, n. 1.
  2. Le symbole F ainsi défini par M. Peano a été défini différemment, d’une part par M. Burali-Forti qui le déduit des classes de couples d’objets, d’autre part par M. Russell qui l’a déduit de sa théorie des « relations entre deux objets ».
  3. Revue de Métaphysique, novembre 1904, art. cité, p. 1050.