Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/229

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notre pensée se présentent autrement que lorsqu’on les envisage telles qu’elles existent en réalité »[1].

Mais qu’est-ce que ces « idées », ces « natures immuables et éternelles », dont nous avons l’intuition ? Pour en préciser la définition, Descartes doit s’élever au-dessus du domaine de la science, et là commencent pour lui les difficultés.

Descartes est conduit, d’après ses principes à attribuer aux « idées » une réalité, une existence individuelle. « Par la réalité objective d’une idée, dit-il, j’entends l’entité ou l’être de la chose représentée par cette idée, en tant que cette entité est dans l’idée »[2]. D’autre part — et c’est ici que nous voyons réapparaître le point de vue synthétiste — il veut que les notions intuitives placées à la base de l’édifice scientifique soient des natures simples, pouvant être objets de combinaisons. Mais quelles sont les notions simples ? Nous n’appellerons simples — disent les Regulæ[3] que celles dont la connaissance est si claire et si distincte que l’esprit ne les puisse diviser en un plus grand nombre dont la connaissance soit encore plus distincte ». Définition très insuffisante et qui implique peut-être un cercle vicieux : aussi n’a-t-on jamais pu savoir combien le Cartésianisme admettait de natures simples. Les Regulæ n’en signalent qu’un petit nombre, telles que figure, étendue, mouvement[4], mais indiquent qu’il y en a d’autres. D’autre part, Descartes paraît admettre que le triangle,

  1. Aliter spectandas esse res singulas in ordine ad cognitionem nostram quam si de iisdem loquemur prout re vera existuunt, Regulæ, XII, Œuv., t. X, p. 418.
  2. Réponses aux 2es objections, Œuv., t. VII, p. 161.
  3. Regulæ XII, Œuv., t. X, p. 418.
  4. Cf. Regulæ VI, Œuv. t. X, p. 383, et Principia Philosophiæ, IV, Œuv. t. VIII, p. 326.