Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/252

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conque. Or, comment verra-t-on s’il en est ainsi ? On considérera, par exemple, un faisceau d’expressions algébriques qui, au point initial, sont très voisines de la fonction donnée, et l’on cherchera si ces expressions restent voisines, lorsque la variable décrit un chemin quelconque. Cette étude, de tous points semblable à celle que décrit Duhem, a renouvelé en particulier la théorie des équations différentielles. Par conséquent, ce qu’on nous présentait comme constituant une différence entre les Mathématiques et la Physique nous apparaît au contraire comme un trait de ressemblance.

L’expérience. — L’expérimentation est, par excellence, la méthode des sciences naturelles. Il serait cependant inexact de croire qu’elle n’a rien à voir avec les Mathématiques. Le mathématicien — nous l’avons déjà dit — expérimente souvent. Veut-il étudier une famille de fonctions ? Il prend un exemple numérique et en observe l’allure, en étudie les caractères distinctifs. Veut-il se renseigner sur un type d’équations différentielles ? Il considère d’abord un cas particulier dont les propriété peuvent être calculées, et il s’élève par induction de ce cas au cas général. En même temps qu’une méthode de recherche, l’expérience est d’ailleurs pour le mathématicien un moyen de contrôle. Lorsqu’un élève soumet un énoncé de théorème à un professeur, comment s’y prend celui-ci pour en contrôler l’exactitude ? Presque toujours il commence par prendre un exemple et il regarde si cet exemple obéit au théorème proposé. C’est ainsi que sont relevées la plupart des erreurs commises par les analystes : un jour arrive où quelque expérience simple met en défaut les lois inexactes qu’ils avaient énoncées.

Mais, si l’expérimentation est d’usage courant en Mathématiques, la regarderons-nous cependant comme