Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/60

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d’abord le garnir ; et ceci exige une première chasse. Après quoi on pourra dire que nous possédons des colombes, mais non pas que nous les avons ; car si, à un moment quelconque, nous voulons disposer de ces oiseaux, il faudra nous livrer à une deuxième chasse qui consiste à mettre la main sur les colombes déjà présentes dans le colombier. C’est à ce dernier genre de chasse — le plus fructueux et le moins pénible — que la poursuite des vérités mathématiques serait surtout comparable d’après Platon. Un oiselier qui capture dans une volière des oiseaux aux brillantes couleurs, voilà sous quelle image nous devons nous représenter le mathématicien idéal.


II. — Les différents aspects de la Mathématique grecque.

Nous avons, dans les pages qui précèdent, tenté de définir les caractères fondamentaux de la science hellénique en déterminant l’objet que poursuit cette science. Ce sont les conceptions qui orientent l’invention des notions et théorèmes que nous avons cherché à mettre en lumière et dont nous avons trouvé une expression particulièrement saisissante dans certaines formules platoniciennes. Avions-nous le droit, cependant, d’isoler ainsi une face de la Science et d’en négliger les autres côtés, — le côté logique, en particulier ? Les Grecs, comme chacun sait, ont poussé très loin l’étude du raisonnement déductif. Ce sont eux qui ont enseigné au monde le mécanisme de la démonstration mathématique. Et le principal mérite du traité d’Euclide, — qui est de tous les ouvrages mathématiques grecs celui qui a exercé l’influence la plus durable, — consiste à présenter la géométrie sous la forme d’un système dialectique