Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/69

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Comme la théorie arithmétique des grandeurs irrationnelles, le calcul par exhaustion a servi tout d’abord à donner une base logique à certaines notions intuitives. Archimède en fit en outre — et c’est par là, surtout, qu’il devance son temps et se rapproche des modernes — un instrument de découverte, une méthode d’invention, permettant non seulement de consolider, mais aussi de faire progresser la science. Mais on ne saurait conclure de là qu’il ait voulu modifier le plan, changer l’idéal de cette dernière.

Convenons donc qu’il est impossible de découvrir une solution de continuité[1] dans l’histoire de la pensée mathématique grecque. Seulement il y a, nous l’avons dit, deux moments bien distincts dans l’œuvre scientifique, le moment de la conception, et le moment de la démonstration, et les savants des diverses écoles attachent plus ou moins d’importance à l’un ou à l’autre de ces moments.

Les Pythagoriciens tenaient pour le premier moment. Il n’est pas certain, d’ailleurs, qu’ils aient, dès l’origine, enseigné les Mathématiques sous forme didactique. Primitivement les propriétés des nombres et des figures étaient peut-être regardées par eux comme autant de secrets que les initiés se transmettaient les uns aux autres, plutôt que comme des objets de démonstration.

Platon fait également prédominer le point de vue de l’intuition et il a longuement insisté sur les raisons qui nous empêchent de construire la science par voie de synthèse logique. Une telle construction supposerait en effet que l’on pût décomposer toutes les notions mathématiques en éléments simples. Or on n’y peut pas par-

  1. Les mathématiciens postérieurs au temps d’Archimède et d’Apollonius ont été surtout des compilateurs et on ne saurait leur attribuer des principes de recherche originaux.