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LA MÉTAPHORE.

Et ailleurs :

Ἀλλ’ ἀκέων κίνησε κάρη, κακὰ βυσσοδομεύων[1].

« Il secoua la tête en silence, bâtissant le mal intérieurement. »

Pour la même idée, Homère a encore le verbe μηχανάω, qui du grec a passé au latin[2].

Il est difficile de reconnaître les métaphores les plus anciennes. L’état de choses qui les avait suggérées ayant disparu, l’on reste en présence d’une racine à signification incolore. C’est ce qui nous explique comment les grammairiens indous, en dressant leurs listes, ont pu inscrire tant de racines signifiant « penser, savoir, sentir ». S’il nous était possible de remonter plus haut dans le passé de l’humanité, nous trouverions sans doute, tout comme dans les langues que nous connaissons mieux, la métaphore partout présente.


Avant de quitter ce sujet, qui est infini, nous voulons encore mentionner un point.

  1. Od., XVII, 66, 465. — On remarquera que c’est exactement la même expression que le latin industrius (de indu et struere). Il est resté quelque chose de l’ancien sens péjoratif dans la locution : de industria.
  2. Pas toujours en mauvaise part :

    ὦναξ Παιὰν,
    ἔξευρε μηχανάν τιν’ Ἀδμήτῳ κακῶν
    (Euripide, Alc., 221.)

    « Trouve, ô Apollon, quelque secours aux maux d’Admète ».

    Un homme sans ressources, une chose impossible, s’appellent ἀμήχανος.