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LOI DE SPÉCIALITÉ.

« L’antique synthèse grammaticale en vertu de laquelle la langue qui se meurt était organisée, cette synthèse est détruite ; les flexions grammaticales sont perdues ; on ne distingue plus suffisamment les cas des noms, les temps des verbes. Que faire pour sortir de cette confusion ? On s’avise d’exprimer par des mots séparés les rapports qu’exprimaient les signes grammaticaux confondus ou abolis ; on supplée par des prépositions aux terminaisons qui distinguaient les cas des substantifs ; on remplace par des auxiliaires celles qui marquaient les temps des verbes. On indique les genres par des articles et les personnes par des pronoms. »

« … Dans toutes les langues on a employé le même remède contre le même mal, on s’est avisé du même expédient dans la même détresse[1]. »

Ainsi, ce serait pour réparer des ruines, pour remédier à un mal, pour sortir de la confusion, que des procédés nouveaux auraient été inventés. Présenter les choses de cette façon (et la même idée, je le répète, existe encore chez la plupart des linguistes, même chez ceux qui se sont montrés le plus sévères pour ce livre), c’est méconnaître la vraie succession des faits, c’est rendre inintelligible l’histoire des langues. En réalité on n’a pas eu à réparer de ruines, les terminaisons qu’on a écartées étant depuis long-

  1. Histoire de la langue française, 2e  édit., p. 3, 10.