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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

temps devenues inutiles. Les langues anciennes n’ont connu aucune détresse. Au lieu de cette histoire invraisemblable, il serait temps d’en écrire une autre plus simple et plus vraie.

En tête de cette histoire devra prendre place la loi de spécialité.

Une tendance de l’esprit qui s’explique par le besoin de clarté, c’est de substituer des exposants invariables, indépendants, aux exposants variables, assujettis. Il y a là une tendance conforme au but général du langage, qui est de se faire comprendre aux moindres frais, je veux dire avec le moins de peine possible. Mais comme les conditions où le langage est placé ne permettent pas la création ex nihilo, cet effort se réalise lentement, au moyen et aux dépens de ce qui existait antérieurement.


Un premier et très tangible exemple nous est fourni par le comparatif et le superlatif.

Dans les langues anciennes, l’adjectif exprime la gradation au moyen de suffixes. Ces suffixes étaient d’abord nombreux et divers. Ainsi le comparatif pouvait se marquer par les syllabes ro (superus, inferus), tero (interus, exterus), ior (purior, largior). Le superlatif pouvait se marquer par les syllabes mo (summus, infimus), timo (intimus, extimus), issimo