Page:Bréal - Essai de Sémantique.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
DE L’ANALOGIE.

noctu. Sur le modèle de diurnus il a fait nocturnus[1].

Une autre opposition non moins vieille est celle de la vie et de la mort. Sur le modèle de vivus, le latin a fait mortuus. Selon les règles de la langue latine, morior devait faire mortus, comme orior, experior font ortus, expertus[2]. Mais l’occasion de l’antithèse se trouvant à toute heure[3], la syllabe finale de l’un s’est communiquée à l’autre.

Les expressions « avant » et « après » sont pareillement de nature à s’influencer. À côté de l’adverbe antid, devenu plus tard ante, le latin a formé un adverbe postid, devenu poste et post. Postid s’est conservé dans postid-ea, qui est modelé sur antid-ea. À la base se trouve la syllabe pos, « après »[4].

On voit que pour déterminer une création par analogie, il n’est pas nécessaire que la langue présente des modèles en grand nombre. Dans les cas que nous venons de citer, un seul mot a suffi : mais c’est que les deux termes étaient directement à l’opposite. L’analogie, pourrait-on dire, fait sentir sa puissance en raison de la situation. C’est ainsi qu’en français nous avons fait l’adjectif méridional, dont le

  1. On a soutenu récemment que c’est noctu qui a influencé diu : mais pour établir la vraie filiation, il suffit de rappeler le sanscrit divas ou djus, « jour » (pūrvē-djus, « hier »).
  2. La forme mortus est, en effet, celle que le verbe a reprise dans les langues romanes.
  3. Mortuum aut vivum. — vivo et mortvo. C. I. L. VI, 6 467 ; IX, 4 816, etc.
  4. Sanscrit pas, « après », dans paç-cāt.