Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
LA VIE DE FAMILLE

plus riche, ce qu’ils enlèvent ne me rend pas plus pauvre. Je pourrais dans certains moments leur dire comme Diogène à Alexandre : « Otez-vous de mon soleil. » Je ne voudrais pas même aller chez Waldo Émerson, ce fier astrologue, si je n’avais pas mon ciel à moi, avec étoiles et soleil, dont peut-être il ne pressent guère la grandeur.

LETTRE VII


Harward-College (Cambridge). Massachusett, 15 décembre.

Voici un moment, ma chérie, pour causer un peu en paix avec toi, te parler, ainsi qu’à ma mère, de mon arrivée dans cet État, de mes faits et gestes ici, et vous dire comment tout me réussit. Je t’ai écrit la dernière fois de Boston, où j’ai passé quelques jours avec Marcus et Rebecca sous une douche incessante de dissipations tantôt agréables, tantôt désespérantes à demi, et qui me laissaient à peine le temps de reprendre haleine. Cependant, je me souviendrai toujours avec plaisir de quelques-uns de ces moments, et surtout d’une matinée où j’étais entourée de plusieurs des hommes les plus distingués du Massachusett : Alcott l’idéaliste platonisant, les frères Clarke, le philanthrope Barnard, le poëte Longfellow, le jeune et véritable poëte américain Lowell (un Apollon de sa personne), etc., etc. Waldo Émerson est venu aussi avec un rayon lumineux sur son énergique visage ; — il est difficile de voir une réunion d’hommes plus beaux, plus parfaits de formes (presque tous de haute taille et bien proportionnés). Pendant une autre matinée j’ai vu les célèbres jurisconsultes Wendel Philipp et Charles Sumner, géant — sous le rap-