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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

était tard, il faisait nuit lorsque nous rentrâmes, et je remarquai des lumières qui brillaient çà et là près de la route ou dans la forêt, et disparaissaient à mesure que nous approchions. Je les montrai à M. Poinsett ; il me dit : « Ce sont sans doute des mouches luisantes ; elles ont l’habitude de se montrer à cette heure. » — J’espère faire une connaissance plus intime avec ces insectes lumineux.

Le 21.

Aujourd’hui, j’ai beaucoup couru dans les bois et les champs, et suis arrivée ainsi au bord d’un cours d’eau, appelé la Rivière-Noire. Près d’elle, j’ai vu des esclaves travailler aux champs, sous la surveillance d’un blanc ; je lui demandai et j’obtins de lui un vieux nègre pour me passer sur l’autre rive. Ce bon vieillard était plus causeur et intelligent dans ses discours que ne le sont d’ordinaire les esclaves, et, tout en ramant un petit canot formé d’un tronc a arbre creusé, il répondit librement à mes questions sur les propriétaires de plusieurs plantations qui longeaient la rivière. De l’un il disait : « Bon maître, mame ; » d’un autre : « Mauvais maître, mame ; il mord ses serviteurs, les met en pièces, etc., etc. »

Sur l’autre bord, j’arrivai à une plantation et rencontrai le planteur en personne : c’était un prêtre. Il me conduisit dans le village des esclaves, et me fit un discours sur le bonheur des noirs, d’où je conclus qu’il était lui-même un esclave de Mammon.

Cependant il est certain qu’avec un bon maître les esclaves sont loin d’être malheureux, et sont mieux pourvus que les travailleurs pauvres dans beaucoup de contrées de l’Europe. Mais avec un maître mauvais ou sans for-