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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

taine à Philadelphie. Le professeur Hart, sitôt que l’annonce de mon arrivée en Amérique était parvenue à Philadelphie par les journaux de New-York, s’était rendu dans cette dernière villa, et m’avait suivie jusqu’ici uniquement, comme il le disait, pour me « monopoliser » dans l’intérêt de son Magazine, me demander d’écrire pour ce journal et nul autre durant mon séjour en Amérique. C’est un échantillon de l’esprit d’entreprise américaine sous le rapport des affaires. M. Hart avait, en outre, tant de distinction dans ses manières, quelque chose de si bon, de si agréable dans son visage pâle et délicat, que je ne pus m’empêcher de la trouver bien et de lui donner ma parole que, si j’écrivais ou publiais n’importe quoi en Amérique, je le lui remettrais. Mais je doute que j’écrive rien ici. J’ai besoin de penser et d’apprendre.

Lundi, 8 octobre.

Aujourd’hui le soleil brille sur le magnifique Hudson qui coule sous mes fenêtres, et je me sentirais heureuse avec mes pensées et mes livres américains, si le courant des visites, derechef en mouvement, ne s’emparait point de mon temps et de mon attention. J’ai été forcée de demander à Downing de protéger mes matinées, de ne pas me faire sortir de ma cage le matin ; sinon je deviendrais un lion féroce au lieu d’une lionne apprivoisée, comme on voudrait que je le fusse, et ce qui convient mieux à ma nature. Je me trouve particulièrement heureuse avec mes hôtes ; j’apprendrai beaucoup de Downing, dont l’individualité me plaît de plus en plus. Sa personne a quelque chose de paisible et de mélancolique ; il a un regard observateur extraordinaire, un esprit critique un peu porté au sarcasme et basé sur une grande intelligence. Il n’est