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LA VIE DE FAMILLE

fit place maintenant au murmure, au mécontentement ; on chuchotait, on levait les épaules, on répétait : « Je vous l’ai dit ; — c’est une entreprise extravagante ; — que ne sommes-nous loin d’ici ! » Je montai sur la plate forme et dis à mes amis que la cause de ce temps d’arrêt m’était inconnue, mais que, s’ils voulaient bien ne pas s’inquiéter et m’accorder une demi-heure, je continuerais le voyage, ou y renoncerais complétement. Descendu auprès de la machine, je découvris bientôt une méprise sans importance dans son arrangement, et je la réparai. Le bateau recommença à marcher, nous quittâmes New-York, et passant par la contrée montagneuse, nous arrivâmes à Albany ! Mais, dans ce moment encore, la méfiance était plus grande que la preuve du fait ; on doutait que l’expérience pût recommencer, et si elle se répétait, qu’il résultât un grand avantage de cette découverte. »

Il y a environ trente ans de cela, et aujourd’hui plus de la moitié de l’espèce humaine voltige sur la terre et sur l’eau avec les ailes de Fulton !… Même dans le Nouveau-Monde, quiconque fait une découverte a des peines à surmonter, des luttes à soutenir.

La rosée du matin couvre le moelleux gazon sous ma fenêtre et les jolis groupes d’arbres et de fleurs qu’on y voit ; un petit magngolier, avec ses jolies coques rouge clair, est parmi eux ; tout est joli, paisible et — cette grande, cette riche perspective, la vie sur la rivière, est en bas ! J’aimerais habiter près d’un grand cours d’eau comme celui-ci. Quelles hautes pensées, quelle vie il apporte depuis son origine dans les nuages, son berceau dans la montagne et pendant sa course à travers les vallées et les champs de la terre, en se développant et en acquérant une puissante croissance.