Page:Buies - La Province de Québec, 1900.djvu/86

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Le défrichement d’un lot dans la forêt était naguère une entreprise tellement pénible, entourée de tant de difficultés et accompagnée de tant de privations, que les fils des anciens habitants, jeunes gens robustes néanmoins et possédant une étonnante endurance, aimaient mieux aller s’enfouir dans les manufactures américaines, loin de leurs foyers, de leurs parents, de leurs amis, de tout ce qui leur tenait au cœur, que d’ouvrir des terres nouvelles, en acceptant comme conséquence tout ce que cette opération exigeait de sacrifices, et souvent de misère sans compensation, sans remède, et sans espoir.




Le pays manquait presque entièrement de communications et l’on n’avait pas les notions premières de ce qu’il faut faire pour aider la colonisation à ses débuts. On croyait avoir tout fait lorsque la Législature avait voté un subside insuffisant à rencontrer les dépenses même essentielles, un subside qui, dans bien des cas même, était détourné de son objet et allait grossir les magots que les candidats à la députation consacraient à « obliger » leurs électeurs. On croyait encore avoir fait beaucoup lorsqu’on avait pratiqué, à travers les rochers et les souches informes laissées debout, de misérables sentiers faits de trous et de bosses, qui contribuaient davantage encore à rebuter le colon, à lui faire voir combien peu l’on s’occupait de son sort, et combien il était abandonné, avec ses seules forces, avec ses moyens précaires, souvent même son manque absolu de moyens, contre tant de souffrances réunies, contre les regrets qu’amenait