Page:Buies - La Province de Québec, 1900.djvu/93

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Aussi la province ne croissait et n’augmentait-elle qu’avec le secours de ses seules forces, sans recevoir aucun appoint du dehors. Et peut-être valait-il mieux qu’il en fût ainsi, comme il en avait été du reste, la plupart du temps, en plein régime français, comme si le cours réglé des événements avait voulu imprimer un caractère particulier au peuple canadien et le préserver pur de tout alliage, afin qu’il fût plus en état de remplir les conditions de son existence. C’est de la sorte que le Canadien-Français a conservé une nationalité distincte par son génie propre, par ses goûts, par sa conception de l’avenir et de l’idéal humain, et enfin par la direction imprimée à l’esprit. Le Canadien se distingue en ce sens qu’il conserve un attachement inaliénable à son ancienne mère patrie, qu’il en est ici comme le prolongement et la continuation, et qu’il l’est jusqu’au cœur même des États-Unis où, tout en se faisant naturaliser citoyen américain, il conserve sa nationalité. Il y opère un déplacement de la France, voilà tout : il reste attaché à ce flambeau qui a éclairé la civilisation et il veut continuer d’en être un des rayons, d’autant plus vivace, d’autant plus puissant qu’il éclaire un plus vaste espace.

Il ne veut renoncer à aucun prix à ce patrimoine de lumière qui lui est commun avec tant de générations antérieures et qui, s’il cessait d’être indivisible, n’aurait plus ni sa valeur ni son importance sociale. Il ne veut pas en un mot se déshériter lui-même, parce qu’aucun des avantages qu’il trouverait dans ce sacrifice ne pourrait compenser pour lui la perte du