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L’ÉTAT AU POINT DE VUE DU MÉCANISME.

— Et lorsqu’en 1500, par exemple, après le retour du More dans ses États, les Guelfes de Tortone appelèrent dans la ville une partie de l’armée française qui se trouvait dans le voisinage, afin de donner le coup de grâce aux Gibelins, les Français commencèrent par piller et par ruiner ces derniers, mais ensuite ils en firent autant aux Guelfes eux-mémes, jusqu’à ce que Tortone fut entièrement dévastée[1]. — Dans la Romagne aussi, dans ce pays où les passions et les haines étaient éternelles, ces deux noms avaient entièrement perdu leur signification politique. Par un effet des aberrations politiques du temps, les Guelfes se croyaient parfois obliges d’affirmer leur sympathie pour la France, et les Gibelins de se tourner vers l’Espagne. Je ne vois pas que ceux qui exploitaient cette singulière erreur en aient beaucoup profité. La France a toujours été contrainte d’évacuer l’Italie à la suite de chaque intervention, et ce que l’Espagne est devenue après avoir tué l’Italie, on ne le sait que trop.

Mais revenons à l’autocratie italienne telle qu’elle existe à l’époque de la Renaissance. Une âme absolument pure aurait peut-être admis, même à cette époque, que toute puissance émane de Dieu et que les princes italiens seraient nécmairement devenus bons avec le temps et auraient oublié leur origine violente, à condition de trouver chez tous leurs sujets un concours loyal et dévoué. Mais c’est ce qu’on ne peut pas demander à des imaginations ardentes et à des esprits exaltés. Ainsi que les mauvais médecins, ceux-ci ne voyaient la fin du mal que dans la suppression du symptôme, et s’imaginaient qu’il suffisait d’assassiner le prince pour

  1. Prato, dans Archiv. star., III, p. 241.