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CHAPITRE VII. — LES RÉPUBLIQUES : VENISE, FLORENCE.

développaient ces tendances naturelles, et Giovanni Villani avoue[1] que c’est lors du jubilé de l’an 1300 qu’il conçut l’idée de son grand travail et qu’il se mit à l’œuvre aussitôt après son retour ; mais, parmi les deux cent mille pèlerins qui étaient allés, cette année-là, visiter la ville éternelle, combien en est-il qui avaient peut-être autant de talent et autant de goût pour les études historiques que lui, et qui pourtant n’ont pas écrit l’histoire de leurs villes ? Car tous n’auraient pas pu, comme lui, terminer leur livre par ces paroles consolantes : « Rome décline, tandis que ma patrie s’élève ; elle est prête à accomplir de grandes choses ; c’est pourquoi j’ai voulu retracer tout son passé ; je compte continuer mon œuvre jusqu’à l’époque actuelle et y faire entrer tous les événements que je verrai encore. » Aussi, sans parler du témoignage qui résulte de son existence même, Florence a-t-elle obtenu un témoignage bien plus précieux encore : ses historiens l’ont rendue célèbre entre tous les États de l’Italie[2].

Ce n’est pas l’histoire de cet État remarquable que nous voulons raconter ; nous nous bornerons simplement à quelques observations sur l’indépendance d’esprit et l’objectivité que cette histoire a fait naître chez les Florentins[3].

Dans aucune ville d’Italie on ne trouve d’aussi bonne heure et aussi longtemps des partis puissants, profondément divisés, acharnés les uns contre les autres, que nous ne connaissons sans doute que par les récits d’un âge postérieur, mais chez lesquels nous retrouvons

  1. G. Villani, VIII, 36. — L’année 1300 est en même temps la date adoptée dans la Divine Comédie.
  2. C’est ce qui est déjà constaté en 1470 par Vespasiano Fiorent., p. 554.
  3. Voir Appendice no 4, à la fin du volume.