divinités qu’elles avaient adorées dans les montagnes et
les sources, les lacs et les forêts ; mais cette période d’intermittence
fut de courte durée. En plein moyen âge,
vers 1200, l’amour naïf de la nature extérieure reparaît ;
on le reconnaît chez les chantres d’amour des différentes
nations[1]. Ils s’intéressent on ne peut plus vivement aux
choses les plus simples, telles que le printemps et ses
fleurs, la verte bruyère et la forêt. Mais il n’y a chez eux
qu’un premier plan ; pas de lointain ; même dans les
chants des croisés, on ne retrouve pas les voyageurs qui
ont vu beaucoup de pays. La poésie épique, qui décrit si
minutieusement des costumes et des armes, par exemple
se borne à des esquisses quand elle veut peindre un
endroit, un paysage ; le grand Wolfram d’Eschenbach
lui-même ne nous donne qu’une idée vague de la scène
sur laquelle se meuvent ses personnages. À lire tous ces
chants, on ne dirait pas que tous ces poëtes-gentilshommes
habitaient, visitaient ou connaissaient mille
châteaux situés sur des hauteurs et dominant la campagne.
Même les clercs errants ignorent dans leurs
poésies latines les effets de lointain (voir t, I, p. 215 et
p. 367) ; ils ne savent pas décrire un paysage proprement
dit, mais parfois ils décrivent des objets rapprochés avec
une richesse de couleurs qu’on ne rencontre peut-être chez
aucun mimnesinger de noble naissance. Où trouver une
description du bois sacré de l’amour comparable à celle-ci,
qui date du douzième siècle et qui est due sans doute
à un poëte italien ? Pour des Italiens la nature est certainement
purifiée depuis longtemps et délivrée de la
funeste influence des démons. Saint François d’Assise
dans son hymne au soleil, bénit spontanément le Sei-
- ↑ Voir dans Humboldt les emprunts qu’il a faits à Guillaume Grimm.