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vains qui décrivirent sérieusement ou persiflèrent avec esprit toutes les villes et toutes les populations considérables, ou qui en parlèrent de telle sorte que le sérieux et la plaisanterie ne sont séparés que par des nuances.

Il faut mentionner d’abord Brunelto Latini. Outre son pays, il connaît aussi la France pour y avoir séjourné pendant sept ans ; il expose longuement les différences caractéristiques qui existent entre Français et Italiens au point de vue des habitations et de la manière de vivre, et fait ressortir le contraste du gouvernement monarchique de la France avec la constitution républicaine des villes de l’Italie[1]. Après quelques passages célèbres de la Divine Comédie, il faut rappeler le Dittamondo d’Uberti (vers 1360), Cet écrivain se borne à citer des phénomènes curieux et des faits extraordinaires ; c’est ainsi qu’il parle de la fête des corneilles qui se célébrait à Saint-Apollinaire dans le pays de Ravenne, des fontaines de Trévise, de la grande cave creusée près de Vicence, des droits élevés qu’on payait à Mantoue, de la forêt de tours qu’on voyait à Lucques. Pourtant son livre contient aussi de temps en temps des éloges et des critiques intéressantes d’un autre genre : Arezzo y figure déjà avec l’esprit subtil de ses enfants, Gênes avec les yeux et les dents de ses femmes (?) noircis par des procédés artificiels, Bologne avec son amour de la dépense, Bergame avec le dialecte grossier et l’intelligence de ses habitants, etc.[2]. Puis, au quinzième siècle, chacun vante sa patrie au détri-

    tant cet auteur renonce formellement à traiter lui-même la question.

  1. Li Trésors, éd. Chabaille, Paris, 1863, p. 179-180. Comp ibid., p. 577 (liv. III, chap. I, p. 2).
  2. Sur Paris, que I’Italien plaçait alors plus haut dans son estime que cent ans plus tard, voir Dittamondo, IV, cap. XVIII. Pétrarque fait aussi ressortir dans les Invectivœ contra Gallum le contraste qui existe entre la France et l’Italie.