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ment dautres villes. C’est aiosi que Michel Savonarole ne reconnaît que deux villes plus belles que Padoue, sa patrie : ce sont Rome et Venise ; Florence n’a qu’une supériorité sur elle, c’est qu’elle est plus gaie[1]. Juger ainsi, c’était sacrifier assez légèrement la vérité, objective. À la fin du siècle, Jovianus Pontanus décrit dans son Antonius un voyage imaginaire à travers l’Italie, uniquement pour avoir l’occasion de faire des remarques méchantes. Mais avec le seizième siècle s’ouvre une série de descriptions fidèles et sérieuses[2], qui surpassent tout ce que les autres peuples possédaient dans ce genre. Machiavel expose dans quelques travaux précieux le caractère et l’état politique des Allemands et des Français ; aussi l’homme du Nord qui connaît l’histoire de son pays saura-t-il gré au sage Florentin d’avoir répandu la lumière sur ces intéressantes questions. D’autre part, les Florentins aiment à se peindre eux-mêmes[3], à se complaire dans l’éclat de cette gloire intellectuelle qu’ils ont si bien méritée ; peut-être leur amour-propre ne va-t-il jamais plus loin que lorsqu’ils font dériver, par exemple, la supériorité artistique de la Toscane sur le reste de l′Italie, non pas d’un certain génie naturel, mais du travail et de l’étude[4]. Ils acceptaient sans doute

  1. Savonarola, dans Murat., XXIV, col. 1186. Voir plus haut, t. I, p. 184 — Sur Venise, voir plus haut, t, I, p. 79 et 80. La plus ancienne description de Rome, faite par Signorili (manuscrite), date du pontificat de Martin V (1417) ; comp. Gregorovius, VII, 569 ; la plus ancienne description qui ait été faite par un Allemand est celle de H. Muffel (au milieu du quinzième siècle) ; elle a été publiée par W. Vogt. Tubingen, 1876.
  2. Le caractère méfiant et curieux des remuants Bergamasques a été tres-agréablement décrit par Bandello, parle I, nov. 34.
  3. C’est ce que fait Varchi, dans le livre IX des Storie Fiorentine (vol. III, p. 56 ss.).
  4. Vasari, XII, p. 158, Vita di Michelangelo, au commencement D’autres fois pourtant on dit hautement que la nature a tout fait,