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vanes et qui est l’objet de curieuses superstitions. La place du camp se trouve au milieu d’énormes rochers. Pour avoir de l’eau — on ne pourrait pas en obtenir ailleurs — il faut creuser au pied de l’un des plus gros de ces rocs. Celui-là couvre, dit-on, le site d’un village sur lequel il est tombé, écrasant toute la population ; depuis lors la place est hantée par les spectres des victimes.

Si l’on parle de la source avec peu de respect, si, au lieu de la qualifier de maroua, qui est le titre des boissons enivrantes — pommbé, vin de palme, etc., — on la traite simplement de madji, comme on appelle l’eau ordinaire ; si l’on passe auprès d’elle avec des bottes, ou si un coup de feu est tiré dans son voisinage immédiat, les esprits l’arrêtent subitement.

Ceux qui prennent de l’eau à cet endroit ont coutume de jeter dans le puits qu’ils viennent de faire un peu de verroterie ou de cotonnade, offrande propitiatoire aux esprits gardiens de la source. Comme je refusais de me conformer à cette règle, le vieux Bombay, craignant quelque désastre, si les rites n’étaient pas accomplis, fit lui-même les frais du sacrifice.

Dans la soirée, nous fûmes rejoints par des Vouanyamouési chargés d’ivoire et de miel et qui retournaient chez eux.

Une longue étape se trouvant en face de nous, je réveillai le camp à trois heures du matin. Mais pour ne pas avoir à prendre leurs charges dans l’obscurité, nos gens allèrent se cacher dans la jungle ; et il était plus de cinq heures lorsque nous partîmes.

Quand on fut bien en marche, nous quittâmes le sentier, Dillon et moi, avec l’espoir de remplir la marmite. Notre espoir fut déçu : quelques antilopes, beaucoup trop éloignées, et deux lions qui, à six cents pas de nous, regagnaient tranquillement leur retraite, furent les seules bêtes que nous aperçûmes.

Ne pouvant rien tuer, nous rejoignîmes la caravane. Elle s’arrêta pour déjeuner au bord d’un petit zihoua, que l’on nous avait dit complètement à sec, et où il y avait encore de l’eau.

Pendant que nous nous reposions, les Vouanyamouési nous quittèrent. Bientôt, à notre grande surprise, nous les vîmes revenir en toute hâte et à la débandade, rapportant que des rougas-rougas les avaient attaqués, leur avaient pris leur ivoire, leur miel, blessé un homme et enlevé deux femmes. Ils ajoutèrent que les bandits nous guettaient au passage et qu’il fallait être sur nos gardes.