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se mettre en grève et demander qu’on leur payât deux mois d’avance. Je résistai aussi longtemps que possible ; puis ; voyant qu’une désertion en masse était imminente, j’avançai le gage d’un mois ; cinquante ou soixante de ceux qui venaient d’obtenir cette concession n’en prirent pas moins la fuite.

Il faut dire que, si les Arabes les mieux posés nous témoignaient de la bienveillance et nous rendaient service, les menus traitants semaient sur nos pas tous les obstacles possibles. Non seulement ils poussaient nos porteurs à la désertion, mais ils les prenaient malgré eux.

L’un de ces détournements, entre autres, fut d’une amertume particulière. Plusieurs de nos gens, après avoir bu, se laissèrent emmener par un chef de caravane qui était sur le point de partir, et qui savait fort bien que ces gens nous appartenaient.

J’envoyai chercher mes hommes et reçus, en réponse à ma demande, la déclaration que mes porteurs seraient retenus, à moins que je ne consentisse à donner trois dotis pour chacun d’eux, sous prétexte qu’on leur avait avancé pareil aunage.

Ne voulant pas me soumettre à cette extorsion, je m’adressai au gouverneur, qui instruisit la cause et ordonna que les pagazis me fussent renvoyés purement et simplement. Mais la fièvre me reprit avant la conclusion de l’affaire, et Dillon, ne connaissant pas les détails du procès, livra l’étoffe.

Quand je fus sur pied, je découvris avec douleur que non seulement l’étoffe était partie, mais qu’on avait gardé mes hommes et qu’on les avait emmenés la chaîne au cou.

Peu de temps après, une caravane envoyée par Mtésa, chef de l’Ougannda, apporta une lettre de sir Samuel Baker, à l’adresse de Livingstone. Je pensai qu’il m’était permis d’ouvrir cette lettre, qui pouvait me donner des nouvelles du docteur. Elle était datée de Fort-Fatiko, et mentionnait l’affaire qu’avait eue sir Samuel avec Kabba Regga (Kammrasi), chef de l’Ounyoro, affaire dans laquelle le voyageur avait perdu beaucoup de monde. Sir Samuel avait été secouru par Mtésa, et, dès lors, avait passé sans difficulté.

Les gens de la caravane devaient, disaient-ils, repartir immédiatement. Je leur confiai une lettre pour sir Samuel Baker et deux pour Mtésa. À ces dernières, j’ajoutai un présent de deux draperies de belle étoffe ; car, à cette époque, je croyais encore à la possibilité d’être envoyé par Livingstone au Victoria Nyanza.