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L’une des deux lettres, écrite en anglais, était simplement pour la forme ; l’autre, qui était en arabe, devait avoir pour interprète un missionnaire musulman, établi chez Mtésa depuis quelques années.

J’appris à ce sujet que le seul obstacle qui s’opposât à la conversion de Mtésa au mahométisme, était la difficulté de trouver quelqu’un d’assez hardi pour accomplir le rite de la circoncision : on craignait que la peine de mort ne fût appliquée à celui qui causerait au chef une douleur.

Vers la fin d’août, Cheikh et Abdallah Ibn Nassib, deux frères qui commandaient les troupes du sultan, revinrent d’un combat qui avait eu lieu avec Mirammbo. C’étaient deux superbes types de gentlemen arabes. Nous fûmes bientôt grands amis ; leur établissement n’étant éloigné de notre maison que de quelques centaines de pas, il y eut entre nous un fréquent échange de visites, et lors d’une équipée de nos askaris, coup de tête qui mit l’expédition à deux doigts de sa perte, ils nous rendirent le plus grand service.

Voici ce qui était arrivé : un de nos soldats avait été volé de deux brasses d’étoffe par un des pagazis ; au lieu de porter plainte contre le coupable, il imagina de le punir lui-même ; avec l’aide de trois camarades, il attacha le voleur par les talons et le pendit la tête en bas.

Issa heureusement vint à passer, et accourut à moi en criant que quatre askaris pendaient un homme. Courant à mon tour, je vis en effet le malheureux qui, les talons en l’air, perdait le sang par le nez, la bouche, les oreilles, et ne laissait pas douter de sa fin prochaine.

J’ordonnai à Bombay de mettre aux fers les quatre bandits qui avaient fait cette pendaison. Il revint immédiatement, apportant la foudroyante nouvelle que les soldats refusaient d’obéir.

Comme j’étais toujours occupé du moribond, qui commençait à reprendre ses sens, je dis à Bombay de signifier aux askaris que s’ils n’obéissaient pas, ils perdraient leur qualité de soldats, seraient désarmés, dépouillés de leur uniforme et congédiés sur l’heure.

Bombay me quitta ; mais au lieu de répéter l’ordre que j’avais donné et de tâcher de se faire obéir, il dit simplement à ses hommes : « Maître n’a plus besoin de vous ; mettez bas vos jaquettes, laissez vos fusils et partez. »