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Excepté quelques malades, toute la compagnie s’en alla sur-le-champ, et les quatre criminels prirent la fuite.

J’eus recours aux deux Ibn Nassib, qui envoyèrent aussitôt prévenir le gouverneur et lui demander l’autorisation d’agir. Grâce à eux, le lendemain matin les quatre coupables étaient enchaînés, et les autres faisaient leur très humble soumission.

Sur la demande de Cheikh et d’Abdallah, je réintégrai les askaris dans leur service ; toutefois les instigateurs de la rébellion furent mis aux fers pendant quinze jours. Quant à Bombay, qui avait agi stupidement et qui depuis notre arrivée n’avait guère cessé d’être ivre, il promit de réformer sa conduite ; et pensant qu’il était sincère, je lui pardonnai se maladresse.

Plusieurs fois nous avions essayé de partir ; mais les désertions nous en avaient empêchés. Les porteurs, payés d’avance suivant la coutume, ne faisaient que paraître et disparaître. Pour nous, dans la plupart des cas, tout se réduisait à ceci : louer un homme, le payer, le nourrir pendant quelques jours, et ne plus le revoir.

On peut juger de la situation par les extraits suivants des lettres qué nous écrivions alors en Angleterre. Dillon, qui ordinairement avait l’esprit joyeux, disait le 23 août :

« … Et maintenant le récit de malheur. Le 13 août, ou à peu près (aucun de nous ne sait exactement le quantième), Cameron fut pris de faiblesse. Je ne m’étais jamais mieux porté ; Murphy allait bien. Le soir, nous nous sentons faibles. Je ne voulais pas être malade. « Je dinerai et ne me coucherai pas ! » m’affirmais-je à moi-même. Murphy était déjà dans ses couvertures.

Je commençai à manger ; mais le frisson — un tremblement à faire crouler une muraille — me saisit tout à coup, et il fallut se mettre au lit. Pendant quatre ou cinq jours, du lait coupé fut notre seul régime. Pas une âme pour nous secourir. Nos serviteurs ne savaient que faire. Nous nous levions de temps à autre, pris de vertige et nous traînant à peine. J’allais voir Cameron, qui venait me voir à son tour : besoin de se plaindre.

« Une fois il me dit : « Ces gens-là m’ont bloqué ; je ne peux pas faire un mouvement ; je n’ai pas de place. Le pis est que l’un des pieds du grand piano est sur ma tête et que leur charivari ne cesse pas. C’est avec les meubles du salon qu’ils n’ont barricadé. »

« Moi je sentais vaciller ma couche en haut d’un tas de paniers