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de munitions. Je quittais Cameron et j’allais dire à Murphy que j’étais désolé de n’être pas venu le voir plus tôt ; mais que j’avais eu la visite du roi d’Ougannda, qui m’avait retenu, et avec lequel il fallait être en bons rapports, puisque avant peu nous devions aller chez lui.

« Murphy passait le temps à dormir ; moi, du commencement à la fin, je n’ai pas pu fermer l’œil.

« Nous nous sommes retrouvés sur pied tous les trois le même jour — le cinquième de la fièvre, à ce que je présume — et nous avons bien ri de nos mutuelles confidences.

« 8 septembre. — Nous avons eu une nouvelle dose de cette chienne de fièvre — pardonnez-moi l’expression. — Le troisième jour de l’attaque, le septième pour Cameron, j’ai vu Murphy chercher à sortir de la chambre — une pièce sans porte, n’ayant que trois côtés — et ne pas pouvoir gagner l’ouverture. Il s’appliquait, marchait à petits pas, s’efforçant d’éviter les obstacles, et alla tomber en gémissant sur un tas de cartouches. Cette vue me parut si drôle — ne pas pouvoir sortir d’une chambre dont un côté n’a pas de muraille — que je me mis à rire aussi fort que le permettait mon abattement. Cela eut pour effet de rappeler Murphy à lui-même ; il finit par se relever, et par sortir en chancelant, ses bras lui servant de balancier.

« Pour comprendre qu’un homme aussi vigoureux puisse arriver à ce degré de faiblesse, il faut se trouver dans le même état que cet infortuné. Vous ne pouvez pas vous figurer à quel point cette fièvre vous anéantit. Cela commence par un léger mal de tête ; on va se coucher, bien qu’on ne se croie pas malade. Le lendemain, on essaye de traverser la chambre : il faut aller où les pieds vous mènent ; et le pauvre corps suit une ligne des plus excentriques. À boire ! à boire ! à boire ! de l’eau, du thé, du lait : n’importe quoi ; et l’on boit à même le seau et par le goulot de la théière[1]. »

Moi-même j’écrivais le 15 septembre à M. Clements Markham :

« Depuis que nous sommes ici, nous avons presque toujours eu la fièvre. C’est très fâcheux ; cela m’a empêché de prendre mes observations de lune. Dès que j’ai cru pouvoir m’y appli-

  1. Voyez, sur la fièvre de cette région, les détails qu’en a donnés Stanley, p. 217 et 258 de Comment j’ai retrouvé Livingstone. Paris, Hachette, 1874. (Note du traducteur.)