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avoir quitté Dillon et Murphy depuis plusieurs jours, et marché dans la direction contraire à celle qu’ils devaient prendre, nous fussions restés dans leur voisinage. C’est pourquoi je donne le tracé des routes que nos deux bandes avaient suivies.

Le manque de porteurs continuait à m’arrêter ; et finalement je dus renoncer au projet de gagner l’Oudjidji par la voie directe, personne ne voulant m’accompagner si je persistais à suivre cette ligne. Je résolus donc de faire le tour par l’Ougounda, essayant de me frayer un passage entre le chemin des caravanes et celui qu’a ouvert Stanley.

Excepté une boîte de bouillon, une de poisson et deux de plum-pouding, que je réservais pour la possibilité d’un repas de Noël, tout le reste des conserves fut abandonné. Si imprévoyant que cela paraisse, et quel que fût mon regret de laisser derrière moi ce qui, plus tard, pouvait être pour nous d’une importance vitale, je devais m’y résigner : notre seule chance d’atteindre le port était d’alléger le navire.

Le sacrifice accompli, il me resta cent dix charges, dix de plus que je n’avais de porteurs. Je n’en partis pas moins le 27 novembre pour Témé, laissant à Bombay le soin de me faire apporter les dix ballots restants.

Dans les quatre milles qui nous séparaient de Témé, nous vîmes de gros villages, près desquels nous passâmes drapeaux au vent, et au son d’un tambour que je m’étais procuré, dans l’espoir qu’un peu de bruit donnerait du cœur à mes hommes. Parade inutile : les pluies ayant commencé, toute la population était dans les champs, préparant le sol pour la prochaine récolte, et les villages étaient déserts.

Bombay n’apparut que le lendemain ; un certain nombre de mes gens en profitèrent pour retourner à Kouiharah ; et quand arrivèrent les dix ballots, la situation était pire que la veille.

Nous trouvâmes à Témé des soldats faisant partie de la troupe commandée par l’un des Ibn Nassib, et qui étaient là avec mission d’acheter du grain pour les Béloutchis de Kouiharah. Je fus très surpris de voir un Turc au milieu d’eux. Né à Constantinople, il avait fait partie de l’armée turque, avait assisté à l’ouverture du canal de Suez, avait déserté pendant qu’il était en Égypte ; et sans trop savoir comment, il était arrivé à Zanzibar, où, n’ayant aucune ressource, il avait pris du service dans l’armée de Saïd Bargash. Il paraissait fort content de sa position ;