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tré en Afrique, où cependant l’ivrognerie est commune. Un achat de vivres, pour cinq jours, conclu avec les femmes de cet affreux vieillard, ne s’en fit pas moins d’une manière satisfaisante ; et le 10 septembre nous étions repartis.

Le pays était charmant : des bois d’un vert tendre, des clairières tapissées d’herbe émaillée de fleurs. On se serait cru dans la partie boisée de l’un des grands parcs d’Angleterre, si les antilopes qui bondissaient au loin, et les crânes d’un lion et d’un éléphant, vus sur la route, n’avaient rappelé qu’on était en Afrique.

Une marche de huit milles nous conduisit à un défrichement au centre duquel était un grand village neuf, appelé Hissinéné. Asmani, avec son éternel sourire, nous montra ce village de l’air enchanté d’un homme qui croit vous faire une surprise agréable. J’étais au contraire fort mécontent, en voyant que j’aurais pu me dispenser de faire halte la veille ; en outre, chaque village était pour quelques-uns de mes gens l’occasion de déserter. Toutefois le lendemain, au moment du départ, j’eus la satisfaction de n’avoir perdu qu’un de mes hommes.

La bande se mit en marche ; je suivis l’arrière-garde, monté sur Jasmin, un âne de Mascate, à robe blanche, que j’avais acheté dans l’Ounyanyemmbé et qui avait pour moi presque l’attachement d’un chien.

Ces ânes de l’Oman sont très estimés, étant de race pure et possédant beaucoup de fonds. Ils ont de douze à treize palmes de hauteur, leurs allures égalent celles des chevaux et ils sont fort agréables à monter, en raison de la douceur de leur amble ; mais ils demandent plus de soin et une meilleure nourriture que les ânes du pays.

Tout à coup je vis la caravane s’arrêter et mes hommes déposer leurs fardeaux, tandis qu’Asmani et quelques autres paraissaient avoir une vive altercation avec des indigènes.

Ceux-ci étaient des messagers de Taka, chef de l’Ougara oriental, qui les envoyait dans l’Ounyanyemmbé au sujet d’un événement grave. Une querelle avait eu lieu entre les gens d’un Arabe et les habitants d’un village ; dans le conflit, l’Arabe avait tué le chef de ladite bourgade. Taka s’adressait à Ibn Sélim pour qu’il arrangeât l’affaire ; mais en attendant, la route qui traversait l’Ougara était fermée.

Tous mes efforts pour persuader à l’ambassade de me conduire auprès de Taka furent inutiles ; et il fallut revenir à Hissinéné, avec la perspective d’une détention plus ou moins longue.