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Favorisé par le sort, j’atteignis mon homme, qui, en fuyant, avait fait un faux pas, suivi d’une chute. Avant qu’il fût debout, je lui administrai la plus belle volée de coups de poing qu’il eût jamais reçue ; je lui brisai son arc et ses flèches ; puis lui montrant ses camarades, groupés à une certaine distance, je l’aidai considérablement à les rejoindre par une forte propulsion à l’arrière.

En face de nous, un corps nombreux d’indigènes occupait la route et semblait disposé à l’attaque ; mais je fis des signes d’amitié, j’offris des perles ; et, après quelque hésitation, la bande vint à moi d’un air bienveillant, puis nous conduisit à Kassenghé. C’était là que résidait le chef, auquel un de nos conducteurs nous présenta, en exécutant avec les autres une sorte de danse guerrière.

J’appris alors que, un peu en aval du point où nous nous trouvions, le Loukadzé rejoignait le Lomâmé, dont il n’était qu’une branche, d’où il résultait que nous étions dans une île.

Le village de Kouarammba, qui nous avait été désigné comme l’une de nos stations, était voisin ; si donc j’avais écouté Mona Kassannga, mon premier Kiranngosi, j’aurais fait fausse route.

Non content des ennuis qu’il m’avait causés pendant la marche, ce précieux personnage commença à prendre des airs d’autorité, et, le lendemain, il refusa de partir sous prétexte que lui et sa femme avaient besoin de repos. À mes observations, il répondit qu’étant le fils d’un chef, il était habitué à faire ce qu’il voulait ; quand il voyageait avec les Arabes, on s’arrêtait chaque fois que tel était son désir.

Sa qualité d’interprète me mettant sous sa dépendance, je fus obligé de souscrire à sa demande ; et le jour suivant, étant pris de la fièvre, je ne fus pas fâché de rester tranquille.

Remis en marche, nous retraversâmes le Loukadzé sur un pont de même nature que le précédent ; puis une longue étape nous conduisit à un village populeux. Les habitants n’avaient jamais vu d’homme à peau blanche ; ils se rassemblèrent en foule autour de moi, ouvrant de grands yeux et exprimant sans réserve tout ce que leur suggérait mon extérieur, mes manières, ma façon de manger, etc. Dans le cercle qui assista à mon souper, il devait y avoir plus de cinq cents personnes ; beaucoup de leurs observations furent sans doute peu flatteuses ; mais ignorant la langue du pays, je ne ressentis nul embarras de cette libre critique.