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armée, que dans mon pays, un très petit chef commandait souvent à plus de troupes que cela, et que nous avions des bateaux grands comme des îles, dans lesquels plus d’un millier d’hommes restaient pendant beaucoup de mois sans revenir à terre.

Il n’en fut pas moins persuadé de sa grandeur, et me pria de nouveau de faire part à mon chef de ses demandes. Toutefois, les récits merveilleux que mes Zanzibarites faisaient de la puissance des Anglais parvinrent à ses oreilles, et il en arriva à cette conclusion, que j’étais un esprit venu d’un autre monde pour le visiter.

À mon tour, je le priai de permettre à Alvez de prendre congé de lui, afin que notre départ eût lieu le plus tôt possible. Il me promit qu’aussitôt après la réception des chefs, à laquelle il voulait me voir assister pour que j’eusse une idée de sa puissance, nous serions libres de partir, et que, de plus, il nous procurerait des guides.

J’essayai d’en obtenir pour aller au Sannkorra, mais en vain ; il me répondit toujours que ma bande était trop faible pour voyager seule. « Je n’avais, disait-il, que deux partis à prendre : accompagner Alvez, ou attendre que Méricani reprît la route du Tanganyika. »

Alvez et Djoumah, auxquels je demandai de nouveau une escorte pour me rendre au lac, me répétèrent que leurs forces n’étaient pas assez considérables pour qu’ils pussent en distraire le nombre d’hommes voulu ; et je dus renoncer définitivement à l’espoir si longtemps caressé de suivre le Congo jusqu’à la mer.

La réception qui devait nous permettre de partir ne se faisait pas. Alvez m’avait promis de ne pas l’attendre ; mais depuis lors nous avions passé acte de la somme qu’il devait toucher pour me conduire à la côte. Disons qu’il avait profité de l’ignorance de mon interprète à l’égard des valeurs monétaires, pour m’écorcher outrageusement. Il avait été jusque-là d’une politesse rampante ; l’acte signé, d’obséquieux il devint insolent, et déclara qu’il ne partirait qu’après la cérémonie.

Enfin arriva le grand jour ; c’était le 10 février. À sept heures du matin, un messager vint nous dire, à Djoumah et à moi, que Kassonngo nous attendait.

Mon hôte me conseilla d’être sur mes gardes. On lui avait rapporté que Kassonngo avait proposé à Alvez de joindre ses forces aux siennes pour nous attaquer et nous piller de compte à demi.