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Le pays, cultivé seulement par places, avait des localités si arides que l’on n’y voyait que des acacias rabougris et une sorte d’épine que je baptisai du nom d’arbre anguleux : pas une inflexion des branches qui ne fût à angle droit, pas une seule courbe dans toute la ramée.

Sous les acacias, le sol était couvert de chausse-trapes naturelles, formées par une sorte d’excroissances venues sur les arbres, et d’où sortaient quatre épines acérées, de trois pouces de long chacune. En se desséchant, ces excroissances se détachent de l’arbre qui les porte, et deviennent un sérieux obstacle pour des gens qui marchent pieds nus.

Dans une portion de la route, de nombreuses déchirures du sol paraissaient provenir d’un tremblement de terre récent ; mais je n’ai pu faire comprendre à aucun indigène les questions que j’adressais à cet égard.

Arrivés au chef-lieu du district de Mapalatta, nous reçûmes la demande d’un nouveau tribut ; et le ministre étant complètement ivre, l’affaire dut se remettre au lendemain. Le chef, toutefois, se montra fort aimable, et nous autorisa à prendre tout le chaume qui nous serait nécessaire, tant pour construire nos abris que pour alimenter nos ânes.

Beaucoup de visiteurs vinrent regarder nos merveilles : fusils, pistolets, montres, boussoles, etc. Un vieillard, oncle du chef, après avoir longuement contemplé en silence tous ces prodiges de notre industrie, s’écria avec admiration :

« Oh ! ces hommes blancs ! ils font ces choses surprenantes et ils savent en faire usage. Des hommes qui ont tant de connaissances ne doivent certainement pas mourir : ils sont assez habiles pour fabriquer une médecine qui leur conserve la jeunesse et la force, et qui les fait vivre toujours ! »

Ce vieux gentleman nous donnait, je suppose, quelques milliers d’années ; et je pense qu’il nous attribuait la création des armes, des boussoles, des montres, de tout ce qui l’émerveillait.

D’humeur très communicative, il nous fit remarquer les six anneaux de cuir d’éléphant dont son poignet gauche était couvert ; il ajouta qu’ils indiquaient le nombre d’éléphants qu’il avait tués. Je lui demandai si les bracelets jaunes qui décoraient son poignet droit provenaient des lions qu’il avait abattus.

« Non, dit-il ; c’est de la peau de chèvre, portée comme médecine » (un talisman).