Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/123

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que l’âme a de soi-même. Et je t’ai déjà dit que la racine de la discrétion était une connaissance vraie de soi et de ma bonté, qui porte l’âme naturellement à accorder à chacun ce qui lui est dû.

Et premièrement, elle m’attribue à moi ce qui m’est dû, en rendant honneur et gloire à mon nom, en rapportant à moi les grâces et les dons qu’elle sait avoir reçus de moi : elle rend à elle-même ce qu’elle a conscience d’avoir mérité, en reconnaissant qu’elle n’est pas par elle-même, et que son être elle ne le tient que d’une grâce de moi. Tous les dons qu’elle possède en plus de l’être, c’est à moi pareillement qu’elle les attribue et non à elle-même. Pour ce qui est d’elle, elle confesse s’être montrée ingrate pour tant de bienfaits et n’avoir pas profité du temps et des grâces reçues : aussi s’estime-t-elle digne des châtiments, et est-elle pour elle-même, à cause de ses fautes, un objet de haine et de dégoût.

Voilà les effets de la discrétion fondée sur la connaissance de soi qui est l’humilité vraie. Sans cette humilité, l’âme serait indiscrète. Et l’indiscrétion a sa source dans l’orgueil, comme la discrétion a la sienne dans l’humilité. Aussi, sans discernement me déroberait-elle comme un larron l’honneur qui m’appartient pour se l’attribuer à elle-même et s’en faire gloire ; ce qui est bien à elle, elle me l’imputerait, se lamentant et murmurant contre les mystérieux desseins que j’ai accomplis en elle et dans mes autres créatures ; elle se scandaliserait de tout, tant de moi que du prochain.

Bien différente est la conduite de ceux qui possèdent