Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

serait même dépourvue de toute discrétion, car il n’est pas permis de se rendre coupable de péché, même pour accomplir un grand acte de vertu, ou pour servir le prochain.

Voici l’odre qu’impose la sainte discrétion. L’âme dispose toutes ses puissances à me servir virilement en toute générosité, et l’amour qu’elle a pour le prochain est tel qu’elle est prête à donner la vie du corps pour le salut des âmes, et mille fois, s’il était possible. Il n’est point de peines et de tourments qu’elle ne soit disposée à subir pour assurer à autrui la vie de la grâce ; et tout aussi bien dépensera-t-elle ses richesses matérielles pour l’utilité et le soulagement corporel du prochain. Tel est le grand office de la discrétion qui procède de la charité.

Tu vois quelle règle elle trace et quel devoir elle impose, vis-à-vis de chacun, à l’âme qui veut posséder la grâce. Il faut qu’elle m’aime, Moi, d’un amour infini et sans mesure, et elle doit aimer le prochain avec mesure, avec une charité ordonnée, comme je t’ai dit, ne pas se faire mal à elle même en péchant, pour rendre service à autrui. C’est ce dont vous avertit saint Paul quand il dit que la charité doit se porter tout d’abord sur soi-même et commencer par soi. Agir autrement ne serait pas rendre à autrui un service parfait. Car lorsque la perfection n’est pas dans l’âme, tout ce qu’elle peut faire pour elle-même et pour autrui demeure imparfait. Et ne serait-ce point un désordre que, pour sauver les créatures qui sont finies et qui