Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/139

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par pure grâce, sans aucun mérite de sa part. Dans ce miroir de la bonté de Dieu, l’âme connaît aussi son indignité à laquelle elle est arrivée par sa propre faute. De même qu’en se regardant dans un miroir l’homme voit mieux les taches de son visage, ainsi quand l’âme, en possession de la vraie connaissance d’elle-même, s’élève, par le désir, jusqu’à se regarder par l’œil de l’intelligence dans le doux miroir de Dieu, elle prend mieux conscience, par la pureté qu’elle découvre en lui, de la souillure de sa propre face. Puis donc que la lumière et la connaissance s’étaient agrandies dans cette âme, de la manière qui a été dite, du même coup elle avait senti croître en elle une douce amertume, une amertume tempérée par l’espérance que lui avait donnée la Vérité première. Comme le feu augmente quand on y jette du bois, ainsi grandissait l’ardeur de cette âme qu point qu’il n’était plus possible au corps humain de la supporter sans que l’âme se détachât de lui. Si elle n’avait été encerclée de force, par Celui qui est la force souveraine, elle n’aurait pu éviter de mourir.

Ainsi purifiée par le feu de la divine charité qu’elle a trouvée dans la connaissance d’elle-même et de Dieu, son désir accru par l’espérance du salut du monde entier et de la réforme de la sainte Église, l’âme se leva avec assurance devant le Père très grand, et après lui avoir montré la lèpre de la sainte Église et la misère du monde, elle lui dit en se servant presque des mêmes paroles que Moïse :

"Mon Seigneur, abaissez les yeux de votre