Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/359

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et bienheureux il était, parce que la nature divine unie à la nature humaine était impassible, et toujours faisait son âme bienheureuse, en se montrant à elle sans voile. Ainsi était-il tout à la fois bienheureux et souffrant. Il souffrait dans sa chair suppliciée, la Divinité en lui ne pouvait souffrir, non plus que son âme, dans la partie supérieure de l’intelligence. Il en est de même de ces fils très chers arrivés au troisième et au quatrième état. Ils souffrent en portant leur croix extérieure et leur croix intérieure, c’est-à-dire les afflictions du corps suivant que je le permets, et cette croix du désir que leur inflige la douleur de mon offense et du malheur du prochain. Et je dis aussi qu’ils sont bienheureux, parce que la joie de la charité qu’ils possèdent ne peut leur être enlevée, et c’est elle qui fait leur allégresse et leur béatitude.

Cette peine, on l’appelle bien peine, mais elle n’est pas une peine afflictive qui dessèche l’âme ; elle l’engraisse, au contraire, en développant en elle le sentiment de la charité, puisque les peines accroissent la vertu. C’est donc une peine nutritive plutôt qu’afflictive. Car aucune souffrance, aucun tourment ne peut retirer l’âme du feu de l’amour. Elle est comme un tison embrasé au sein de la fournaise, et que nul ne peut toucher pour l’en retirer, parce qu’il est devenu feu. Ces âmes plongées dans le brasier de ma charité, sans que rien ne demeure d’elle, en dehors de Moi, n’ayant plus aucune volonté propre, mais tout entières embrasées en Moi, qui donc les pourrait prendre et les