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Page:Cavendish - L’Art de dresser les chevaux, 1737.djvu/20

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AUX CAVALIERS.

Il faut, Nobles Cavallerizzes, que je me plaigne un peu à preſent du mal-heur de cet Art, ou excellente Profeſſion, de ce que châcun penſe avoir ſa proviſion de Cavalerie tout auſſy tôt qu’il ſçait mettre une jambe de châque côté de ſon cheval : voire meſme les mecaniques juſques aux Cuiſiniers & Tailleurs (comme auſſy tous citoyens) s’imaginent de monter à cheval auſſy bien qu’aucun Cavalier ; combien qu’ils croient qu’aucune autre profeſſion, quoy que vile, ne ſauroit étre appriſe en moins de huit ou neuf ans. Et la plus-part prennent à diſgrace, s’ils ne ſont tenus auſſy bons hommes de cheval qu’aucun autre, qui certes eſl une injuſtice bien grande, & une choſe tres-fauſſe. Car il n’y aucun Art dans le monde ſi difficile à apprendre, comme à être parfait homme de cheval. Ce n’eſt pas monter une haquenée de Cambridge à Londres, ou de S. Germain à Paris, qui fait un bon homme de cheval. Un tres-brave Gentil-homme, qui étoit & ſoldat & écolier, diſoit, qu’on priſt deux garçons qui euſlènt l’elprit également bon, qu’on en miſt l’un aux écoles, & l’autre à apprendre à monter à cheval, & que celuy-là ſeroit bon Philoſophe, auparavant que celuy-cy fuſt mediocre homme de cheval ; ce qui eſt veritable. C’eſt pourquoy voicy des nouvelles que je vous apporte dans l’Art parfait de dreſſer les chevaux. Liſez-les donc, c’eſt à dire, entendez-les, & les mettés en pratique, & le profit vous en demeurera. Je ne veux pas vous ennuyer par longs diſcours comment les Pages doivent boutonner leurs pourpoins, ou attacher leurs aiguillettes ; ou quand c’eſt qu’ils doivent dire leurs prieres (ce que je laiſſe à leurs Directeurs ſpirituels) ou comment ils doivent lire la Philoſophie morale, laquelle leçon je reſerve à leurs Pédagogues. Je n’ay pas auſſy deſſein de vous troubler de châque boucle, ſangle, clou, ou frange, ny comment il faut épouſſeter une ſelle. Je ne vous preſente non plus la figure d’un chandelier de trois ſols, ny je ne vous dis pas où c’eſt que le Maître Palfrenier doit monter à cheval, ni combien de chappeaux, gans, ou paires de bottes il doit avoir ; parce que j’écris de la façon la plus courte qu’il m’eſt poſſible (non pas aux écoliers, mais aux Maîtres) l’Art de bien dreſlèr les chevaux, lequel n’a jamais été connu. Ce qui m’oblige à ne faire pas un livre de