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Page:Cavendish - L’Art de dresser les chevaux, 1737.djvu/22

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AVANT-PROPOS.



P Lusieurs perſonnes rabbaiſſent l’entendement du cheval infiniment au deſſous de celuy de l’homme, qui neantmoins, par leurs actions, monſtrent qu’elles croyent, qu’il y a plus d’entendement dans un cheval, que dans un homme ; d’autant qu’un garçon eſt longtemps devant que de connoître ſes lettres, quelque temps après avant que de ſçavoir épeler, & quelques années devant que pouvoir lire parfaitement. Toutes-fois il y en a, qui tout auſſy tôt qu’ils ſont deſſus un jeune cheval tout à ſait ignorant du Manege, penſent qu’en le battant & éperonant ils en feront un cheval dreſſé dès le premier matin. Je voudrais bien demander à de tels ſtupides & lourdaus, ſi en battant un garçon, on l’apprendroit à lire ſans luy monſtrer ſes lettres auparavant ? Certes on pourrait battre un garçon juſques à la mort, devant qu’il ſçeuſt lire. Ne donnés donc, je vous prie, non plus d’entendement à un cheval qu’à un homme, puis qu’un cheval eſt dreſſe en la meſme ſorte qu’on enſeigne les enſans à lire : on leur enſeigne premièrement à connoître, & puis par la ſrequente repetition, à convertir cette connoiſſànce en habitude. Il en eſt tout de meſme de ce que les hommes apprennent. Par exemple, un garçon eſt long-temps devant que pouvoir joüer parſaitement du Lut, mais lors qu’il y eſt parſait, ſes doigts ſe remüent ſans qu’il ſonge à châque note, ou à châque point ; il en faut tout autant dire d’un cheval dans le Manege. Il eſt vray qu’il ne faut que la main & les talons pour faire un cheval parſait ; mais il y a quelqu’autre choſe devant qu’y ſaire obeïr un cheval parſaitement. Quelqu’un tout de meſme pourra dire, qu’il n’y a autre choſe pour étre écolier parfait, que ſçavoir parler Latin, Grec, & Hebreu, & ſçavoir mettre ces langues en pratique ; & pour