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Page:Cavendish - L’Art de dresser les chevaux, 1737.djvu/9

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ment donc peut-on faire trop grande estime d’un bon cheval ? Combien de Roys & grands Princes y a-t-il, qui ont évité le reproche d’être pris prisonniers, & ont sauve leur vie & leur honneur tout ensemble par la bonté & excellence de leurs chevaux ? dequoy plusieurs histoires nous sont foy. Qui plus est, un Roy, étant bon Cavalier, sçaura beaucoup mieux comme il faudra gouverner ses peuples, quand il faudra les recompenser, ou les châtier ; quand il faudra leur tenir la main serrée, ou quand il saudra la relâcher ; quand il saudra les aider doucement, ou en quel temps il sera convenable de les éperonner. Il ne faut jamais les monter jusques à leur faire perdre haleine, ou bien ils deviendront rétifs, & rebelles, ou (comme l’on dit) ils prendront la bride aux dents, & s’emporteront ; mais il faut plutost les traiter doucement, & ne prendre que la moitié de leurs forces, affin qu’ils puissent être gaillards, & faire toutes choses de leur bon gré, & avec vigueur. Il ne faut pas que d’autres les montent trop souvent, ni les harassent : mais il faut les garder pour la selle de Vôtre Majesté seulement, c’est à dire, en ses affaires particulières, & celles du public. Or on se doit toujours modérer dans les pallions, parce que la multitude capricieuse est une belle à plusieurs testes, de sorte qu’il faut qu’elle ait plusieurs brides, mais non pas plusieurs éperons ; car plusieurs testes doivent avoir plusieurs brides, mais la Republique