Page:Champfleury - Grandes Figures d’hier et d’aujourd’hui, 1861.djvu/192

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4 64 GERARD DE NERVAL site : sa vie errante, les aventures singulières qu’on ra- contait de lui dans Paris , l’avaient transformé de son vi- vant en personnage légendaire ! Dans tout ce Paris litté- raire, où il est si difficile de poser le pied, Gérard ne trouvait que sourires amicaux et bonnes paroles. Con- frères parvenus, confrères à parvenir, écrivains romanti- ques, classiques, réalistes, poètes, prosateurs, romanciers, auteurs dramatiques, vaudevillistes et journalistes, tous montraient au voyageur une de ces bienveillances si peu communes dans le monde littéraire. Il est vrai qu’à cette époque Gérard n’avait presque rien publié ! Je ne voudrais pas peindre la littérature plus mauvaise qu’elle n’est; mais il y a un grand avantage à peu pu- blier : même, avec une certaine adresse, il est facile de passer pour un homme d’un immense talent en ne pu- bliant rien du tout. On disait jadis d’un auteur fécond qu’il faisait gémir la presse ; on pourrait dire avec plus de raison qu’il fait gémir ses confrères. Gérard était dans des conditions excellentes ; il passait pour paresseux. Ceux qui l’avaient connu dans sa jeu- nesse savaient quelle était sa valeur ; mais il était diffi- cile de concevoir de grandes craintes de sa productivité future, eu égard aux nombreuses branches sorties de son tronc sans porter de riches récoltes. Tour à tour poète, journaliste, conteur, auteur dramatique, traducteur, Gérard passa par tous les sentiers et n’attacha son nom à rien. Dans sa jeunesse , on l’avait vu à l’état de lierre, obligé de s’enrouler autour d’arbres puissants. Trop ti- mide, ou peut-être trop orgueilleux pour marcher seul, il avait changé de divers pseudonymes ; il s’était attelé