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DE LA NOUVELLE-FRANCE

les Français habitants de la Nouvelle-France de vendre et débiter toutes sortes de boissons aux sauvages qui en voudront acheter d’eux et traiter. » La barrière était ouverte. C’est en vain que l’arrêt enjoignait aux sauvages d’en user sobrement et leur défendait de s’enivrer sous peine du pilori et d’une amende de deux castors gras. Prescription vraiment dérisoire ! Cela équivalait à mettre un fruit appétissant mais vénéneux entre les mains d’un enfant, avec défense d’y mordre. Mgr  de Laval et M. de Tilly seuls refusèrent de signer cet arrêt ; Louis Rouer de Villeray lui-même, l’ami du prélat, y apposa sa signature.

Certes Talon ne se rendait pas compte du fléau qu’il déchaînait. Il croyait, sans doute, servir encore le bien public en provoquant cette décision. Cependant quelles que pussent être ses intentions, il commettait un acte dont l’historien impartial ne saurait l’excuser. Il y a dans sa vie bien des pages glorieuses. Mais on voudrait pouvoir déchirer celle qu’il écrivit le 10 novembre 1668.