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JEAN TALON, INTENDANT

taire est fort informé, m’a quelquefois (engagé) à ne lui dire les choses que lorsqu’elles ne pouvaient plus recevoir d’opposition. Ce qui lui a plus donné de chagrin contre moi est la distribution des soldats dans les habitations, et de ce que je ne lui ai pas apporté des ordres du roi pour le licenciement des compagnies. Il m’a dix fois fait reproche là-dessus comme si je lui avais fait une grande injure en exécutant les ordres de Sa Majesté, et me conformant en cela à vos intentions. Il voulait les troupes réglées[1], et croyait que seul je m’opposais à son inclination. Pardon, Monseigneur, si je m’étends sur ce chapitre[2]. »

Franchement, après avoir vu Talon à l’œuvre, on admettra qu’il se passait assez facilement du bon vouloir de Courcelle. Les interventions de celui-ci se bornaient, croyons-nous, à des vivacités verbales qui pouvaient bien offenser l’intendant mais ne l’empêchaient point d’agir ! Il est probable que les deux fonctionnaires avaient des torts réciproques. M. de Courcelle, inférieur à Talon quant à l’efficacité administrative, aurait dû en prendre son parti, et se contenter d’être, par son énergie, par sa valeur, par sa ferme et haute attitude envers les nations sauvages, le bouclier de la Nouvelle-France.

  1. — Par ce passage, nous croyons qu’il faut entendre que M. de Courcelle aurait voulu conserver ici un corps de troupes régulières, non licenciées ; tandis que les instructions remises à l’intendant comportaient le licenciement des cinq compagnies au bout de dix-huit mois. Et il s’en prenait à Talon de son désappointement. Le gouverneur était le chef militaire de la colonie, et le licenciement des troupes amoindrissait son importance.
  2. Mémoire de Talon à Colbert, 11 novembre 1671. — Arch. féd., Canada, corr. gén., vol. III.