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JEAN TALON, INTENDANT

ventes étaient un droit payable par le censitaire quand il vendait sa terre ; il devait alors verser au seigneur la douzième partie du prix de vente[1].

Outre ces droits et redevances il y avait le droit de banalité en vertu duquel le censitaire était tenu d’aller faire moudre son grain au moulin du seigneur. Dans certains contrats de concession il était stipulé que le censitaire serait obligé de fournir gratuitement au seigneur un certain nombre de journées de travail : c’était la corvée. Enfin le droit de justice était attaché aux fiefs, et dans beaucoup de seigneuries des juridictions furent établies et fonctionnèrent jusqu’à la cession du pays à la couronne anglaise.

Voilà dans ses grandes lignes le système seigneurial tel qu’établi au Canada à partir de 1672.

Les seigneuries créées par l’intendant Talon n’ont pas grandi en un jour, sans doute. Mais dès la fin du

  1. — C’était là le droit le plus onéreux, celui qui de nos jours causait le plus d’embarras et de récriminations. La réforme de 1854 est venue à son heure pour faire disparaître cette entrave au développement du pays. Mais au début ce droit n’était pas un grand fardeau, et, en soi, il n’avait rien d’injuste. « D’abord, a écrit l’abbé Faillon, le seigneur était obligé de céder gratuitement le fonds de sa terre avec tous les arbres qui s’y trouvaient, et si le censitaire venait à donner ce même fonds, ou à l’échanger pour quelque autre immeuble, ou enfin à le laisser à ses héritiers naturels ou à d’autres, dans tous ces cas le seigneur n’avait aucun droit à prétendre. Il y a, dans l’île de Montréal, des terres pour lesquelles, depuis deux siècles, il n’a jamais été payé aucun droit de mutation… Ce droit ne foulait nullement le vendeur, puisque ayant reçu gratuitement la terre il retenait pour lui les onze douzièmes du prix que lui comptait l’acquéreur. » (Histoire de la colonie française, III, p. 369).