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JEAN TALON, INTENDANT

quasi plus ; je serai bientôt consommée dans leurs feux : et le démon va enlever un grand nombre de nations qui attendaient le salut de votre piété, de votre puissance et de votre générosité. » Sire, voilà les soupirs et les sanglots de cette pauvre affligée. Il y a environ un an que ses enfants, vos sujets, habitants de ce nouveau monde, firent entendre l’extrémité du danger où ils étaient ; mais le malheur du temps n’ayant pas permis qu’ils fussent secourus, le ciel et la terre ont marqué par leurs prodiges les cruautés et les feux que ces ennemis de Dieu et de Votre Majesté leur ont fait souffrir depuis ce temps-là. Ces perfides raviront un fleuron de votre couronne, si votre main puissante n’agit avec votre parole. Si vous consultez le ciel, il vous dira que votre salut est peut-être enfermé dans le salut de tant de peuples, qui seront perdus, s’ils ne sont secourus par les soins de Votre Majesté. Si vous considérez le nom français, vous saurez, Sire, que vous êtes un grand roi, qui, faisant trembler l’Europe, ne doit pas être méprisé dans l’Amérique. Si vous regardez le bien de votre État, votre esprit, qui voit à l’âge de vingt-quatre ans ce que plusieurs grands princes ne voient pas à cinquante, connaîtra combien la perte d’un si grand pays sera dommageable à votre royaume. J’en dis trop pour un cœur si royal, pour une vertu si héroïque, et pour une générosité si magnanime. La Reine, votre très honorée mère, dont la bonté est connue au delà des mers, a empêché jusques à présent la ruine entière de la Nouvelle-France ; mais elle ne l’a pas mise en liberté. Elle a retardé sa mort, mais elle ne lui a pas rendu la santé, ni les forces. Ce coup est réservé à votre Majesté, qui, sauvant les corps et les biens de