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HOMÉLIE VII.

OR, SACHEZ QUE DANS LES DERNIERS JOURS, IL VIENDRA DES TEMPS FÂCHEUX. CAR IL Y AURA DES HOMMES AMOUREUX D’EUX-MÊMES. (III, 1-2)



Analyse.
  1. Les derniers jours marqués par l’invasion des méchants : prophétie plusieurs fois répétée par saint Paul.
  2. -4. Ne point mépriser son prochain. – Amour de Dieu et du prochain. – Quelle doit être la vie d’une veuve chrétienne

1. Saint Paul, dans sa première épître à Timothée, dit que l’Esprit de Dieu déclare expressément que dans les temps à venir « quelques-uns abandonneront la foi ». (1Ti. 4,1) Il répète la même prophétie dans un autre passage de la même épître, et il l’énonce encore une fois ici : « Sachez que dans les derniers jours il viendra des temps fâcheux ». Non content d’envisager l’avenir, il en appelle encore au témoignage du passé : « De la même manière », dit-il, « que Jannès et Mambrès se soulevèrent contre Moïse, etc. » Il a même recours aux raisonnements pour appuyer sa prophétie : « Dans une grande maison », dit-il, « il n’y a pas, seulement des vases d’or et d’argent, etc. » Pourquoi cette prophétie ? Afin que Timothée ne se trouble point, non plus que nous, lorsque les méchants prévalent dans le monde. Son raisonnement revient à ceci : S’il y a eu des méchants du temps de Moïse et après Moïse, il n’y a pas lieu de s’étonner qu’il y en ait de notre temps. « Dans les derniers jours, il viendra des temps fâcheux ». Ce ne sont pas les temps ni les jours eux-mêmes que saint Paul accuse, mais les hommes qu’ils verront naître. Nous nous exprimons aussi de même et nous disons que les temps sont bons où mauvais, en voulant parler des hommes et de leurs œuvres. Et du premier coup il dévoile la cause de tous les maux, la racine et la source d’où ils proviennent tous, à savoir l’orgueil. Celui que cette passion domine n’a même plus d’yeux pour voir ses propres intérêts. Comment celui qui ne voit pas les intérêts du prochain, qui les néglige comme chose indifférente, pourrait-il voir les siens propres ? De même que celui qui a l’œil ouvert sur les intérêts du prochain, pourvoira en même temps aux siens, de même celui qui néglige les intérêts du prochain, ne saura pas voir clair en ce qui le concerne lui-même. Si, en effet, nous sommes les membres les uns des autre, salut du prochain est en même temps le nôtre puisqu’il contribue à celui de tout le corps : le dommage aussi que subit notre prochain, il ne le subit pas seul, mais il cause une douleur qui se fait ressentir à tout le corps. Si nous ne formons tous qu’un seul et même édifice, l’édifice tout entier est affecté de que l’un de nous souffre, comme aussi il corrobore de tout ce que chacun de nous gagne en force.

C’est ce qui arrive dans l’Église. Méprisez-vous votre frère, vous vous faites tort à vous-même, puisqu’un de vos membres souffre un dommage considérable. Si celui qui ne donne pas de son argent aux pauvres va en enfer, qu’en sera-ce de celui qui ne tend pas la main à son frère, lorsqu’il le voit dans un danger spirituel incomparablement plus grave que tous les dangers qui peuvent menacer le corps ?

« Il y aura des hommes amis d’eux-mêmes ». L’homme ami de soi-même est réellement celui qui s’aime le moins ; l’homme ami de son frère est au contraire celui qui s’aime véritablement. L’avarice naît de l’amour de soi-même, puisque cet amour funeste et mesquin borne et resserre l’amour naturel, qui est large et se répand sur tous les hommes. – « Avides d’argent ». De la cupidité naît l’enflure ; de l’enflure, le dédain des autres ; de ce dédain, le blasphème ; du blasphème, l’orgueil insensé et l’incrédulité. Celui qui s’élève contre les hommes, s’élèvera de même aisément contre Dieu. C’est ainsi que croissent les péchés et que, de petits commencements, ils s’élèvent jusqu’aux grands excès. Celui qui se montre, pieux envers les hommes le sera bien davantage envers Dieu ; celui qui a de la modestie envers les serviteurs n’en manquera pas envers le maître, et il méprisera bientôt le maître s’il s’accoutume à mépriser les serviteurs.