Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/460

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après avoir été avec les juifs, était tout à coup passé dans notre camp, ce qui avait donné beaucoup de force à notre doctrine. Les autres pouvaient passer pour des témoins complaisants qui rendaient témoignage à un maître bien-aimé qu’ils regrettaient ; mais lorsque Paul témoignait de la résurrection de Jésus-Christ, il était évident qu’il n’écoutait que la voix de la vérité. Aussi voyez-les à l’œuvre : ils le détestent du fond du cœur ; ils excitent contre lui la sédition, ils font tout pour le perdre. Mais, si les juifs incrédules avaient leurs raisons pour lui être hostiles, pourquoi les croyants ne l’aimaient-ils pas ? C’est qu’il était obligé de prêcher aux gentils la religion chrétienne dans toute sa pureté, et, si parfois il se trouvait en Judée, il ne faisait nulle attention au pays où il était. Pierre et ses compagnons prêchaient à Jérusalem, où le zèle de la loi était dans toute sa ferveur ; ils devaient donc permettre l’observation de la loi mais Paul usait d’une grande liberté. Il y avait plus de gentils que de juifs en dehors de. Jérusalem. Ce qui les détachait de la loi, ce qui les portait à s’en affranchir, c’est que Paul prêchait le pur christianisme. De là ces avis adressés à Paul, pour l’engager à respecter la multitude : « Tu vois, mon frère, combien de milliers de juifs ont cru ; eh bien ! ils te haïssent, parce qu’ils ont oui dire que tu prêches aux juifs d’apostasier leur loi ».
Pourquoi donc écrit-il aux juifs, puisqu’il n’est pas chargé de les instruire ? Où leur écrit-il ? A Jérusalem et en Palestine, sel6n moi. Mais comment leur écrit-il ? Comme il baptisait sans en avoir reçu l’ordre. Il dit, en effet (1Cor. 1,17), qu’il n’a pas reçu mission de baptiser ; non que cela lui fût interdit, mais c’était un surcroît à son œuvre. Et pourquoi n’écrivait-il pas à ceux pour lesquels il eût voulu être anathème ? (Rom. 9,3) C’est ce qui lui faisait dire. « Vous savez que notre frère Timothée est en liberté, et, s’il vient bientôt, je viendrai vous voir avec lui ». (Héb. 13,23) À cette époque, il n’était pas encore prisonnier. Après deux ans de détention à Rome, il sortit enfin de prison. Puis il partit pour l’Espagne, se rendit ensuite en Judée et vit les Juifs. Ce fut alors qu’il revint à Rome, où il fut mis à mort sous Néron. Cette épître est postérieure à celle à Timothée, où il est dit : « Je suis comme une victime que l’on va immoler » ; et la première fois que j’ai défendu ma cause, nul ne m’a assisté. (2Tim. 4,6, 16) Car il a eu bien des luttes à soutenir. Ainsi il écrit aux Thessaloniciens : « Vous êtes devenus les imitateurs des églises de la Judée ». (1Thes. 2,14) Et s’adressant aux juifs eux-mêmes, il leur dit : « C’est avec joie que vous avez accepté le pillage de vos biens ». (Héb. 10,34) Voyez comme il a combattu. Ah ! s’ils traitaient ainsi les apôtres, non seulement en Judée, mais partout où ils les rencontraient, comment auraient-ils traité le reste des fidèles ? Aussi voyez quelle est pour ces fidèles la sollicitude de Paul, lorsqu’il dit : « Je vais prêter mon ministère aux saints de Jérusalem » (Rom. 15,25), lorsqu’il exhorte les Corinthiens à la bienfaisance, en disant que les Macédoniens ont déjà contribué (2Cor. 1,3), en ajoutant que, s’il le faut, il partira, lorsqu’il dit : « Ils nous recommandèrent seulement de nous souvenir des pauvres, de que j’ai eu aussi grand soin de faire ». C’est la même sollicitude qui le guide (Gal. 2,10) ; c’est elle encore qui lui dicte ces paroles : « Ils nous donnèrent la main, à Barnabé et à moi, en signe d’union, pour que nous prêchions l’Évangile aux gentils, et eux aux circoncis ». (Id. 9) Il ne parle pas ainsi des pauvres qui étaient là. Mais il veut nous faire participer à l’œuvre de la bienfaisance qui a ces pauvres pour objet. Il n’en est pas, en effet, de la charité comme de la prédication. Nous n’avons pas chargé les uns de faire la charité aux juifs, les autres de la faire aux gentils. Vous voyez cette sollicitude de Paul, qui s’exerce en tous lieux, et c’était justice. Dans les autres pays où les juifs vivaient pêle-mêle avec les gentils, les choses ne se passaient pas comme en Judée. La Judée avait conservé une apparence de liberté ; les Juifs étaient encore autonomes, et n’étaient pas pleinement soumis aux Romains. Quoi d’étonnant s’ils s’arrogeaient le pouvoir le plus tyrannique ? Si dans les villes appartenant aux gentils, comme à Corinthe, ils frappaient le chef de la synagogue, sous les yeux même du proconsul siégeant à son tribunal, que ne devaient-ils pas faire en Judée ?
2. Vous voyez comme dans ces villes, les juifs traînent les apôtres devant les magistrats, en réclamant contre eux l’assistance des gentils. Chez eux, ils n’agissent pas ainsi, ils convoquent un conseil et punissent ceux qu’il leur plaît. C’est ainsi qu’ils ont fait périr Étienne, c’est ainsi qu’ils ont fait subir aux apôtres le supplice du fouet, sans consulter les magistrats ; c’est ainsi qu’ils auraient fait périr Paul, sans l’intervention d’un tribun. Quand ils se livraient à de pareils excès, l’autorité des pontifes subsistait encore, le temple était debout ; ils avaient conservé leur culte et leurs sacrifices. Voyez Paul au tribunal du grand prêtre. « Je ne savais pas que c’était le grand prêtre », dit-il (Act. 23,5) ; et cela se passait devant un magistrat romain, tant les Juifs prenaient de licence 1 Voyez quel était à cette époque le malheur des fidèles qui habitaient Jérusalem et le reste de la Judée ! Quoi d’étonnant alors, si l’homme qui voulait être anathème pour les incrédules, et qui s’inquiétait si fort des nouveaux convertis, si l’homme qui consentait à partir au besoin, pour leur venir en aide, daigne leur écrire pour les consoler et pour relever leur courage ? Leurs forces et leurs cœurs succombaient sous le poids de leurs tribulations. C’est ce que montre évidemment la fin de cette épître : « Relevez donc », leur dit saint Paul, « vos mains languissantes et vos genoux affaiblis ». (Héb. 12,12) Et il dit aussi : « Encore un peu de temps, et celui qui doit venir viendra et ne tardera pas » ; et plus bas : « Si vous n’êtes point châtiés, quand tous les autres l’ont été, vous êtes donc des bâtards et non des fils légitimes ». (Id. 10,37, et XII, 8) En leur qualité de juifs, ils avaient appris de leurs frères qu’ils devaient s’attendre à rencontrer sous leurs pas lesbiens et les maux, et que la vie était ainsi faite. Maintenant tout leur était contraire. Les biens n’étaient pour eux que des espérances