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Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/109

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naturelles ce qu'il appelle désirs, et qu'il réserve ce mot pour d'autres choses ; afin que, quand il parlera d'avarice, d'intempérance et de tous les autres vices considérables, il ait le droit de les accuser. Comme c'est néanmoins une liberté qu'il prend souvent, que de se négliger dans les expressions, je n'insiste pas : un si grand et si illustre philosophe peut développer librement ses dogmes.

Cependant en s'attachant, comme il fait, à la volupté, dans le sens que tout le monde donne à ce mot, il tombe quelquefois dans de si grands embarras, qu'il semble qu'il n'y ait rien de si honteux qu'il ne puisse faire sans témoins. Ensuite, après qu'il en a lui-même rougi (car la force de la nature est grande), il a recours à dire qu'on ne peut rien ajouter à la volupté de celui qui n'a point de douleur. Mais l'état d'impassibilité ne s'appelle point volupté. N'importe, dit-il, je ne me mets point en peine du nom. Mais ce sont deux choses entièrement différentes. Eh bien ! répondra-t-il, je trouverai des gens moins fâcheux et moins vétilleux que vous n'êtes, à qui je persuaderai facilement tout ce que je voudrai. Mais, si c'est une extrême volupté que de n'avoir point de douleur, pourquoi ne disons-nous pas que c'est une extrême douleur que de n'avoir point de volupté ? C'est, dit-il, parce que ce n'est pas la volupté, mais la privation de la douleur, qui est opposée à la douleur.

CHAPITRE X.