Tu es encore obligé de reconnaître que tous les corps doués de sentiment sont pourtant formés d’atomes insensibles : l’expérience, loin de combattre cette vérité, semble nous y conduire par la main, en nous montrant des animaux nés de semences inanimées.
On voit le vermisseau trouver la vie au sein de la fange, quand la terre a été putréfiée par des pluies trop abondantes ; tous les corps éprouvent de semblables métamorphoses. Les fleuves, les feuillages, les riantes prairies, se changent en troupeaux ; les troupeaux deviennent des corps humains, et trop souvent nos membres eux-mêmes ont accru les forces des monstres sauvages et des oiseaux carnassiers.
Ainsi la nature convertit en substances vivantes les aliments de toute espèce, comme elle change en flammes pétillantes le bois aride et d’autres matières.
Enfin nous sommes tous enfants de l’air. L’air est notre père commun ; la terre, notre mère commune, fécondée par les gouttes liquides qu’elle reçoit d’en haut, produit à la fois les arbrisseaux, les moissons, les hommes et tous les animaux, puisque c’est elle qui leur fournit à tous les aliments à l’aide desquels ils nourrissent leurs corps, jouissent de la vie et la transmettent à leur génération. C’est pour cela que nous lui avons donné avec raison le nom de mère. Les corps sortis de son sein y rentrent une seconde fois, et les particules descendues de l’air sont reçues de nouveau dans les plaines éthérées. Si les atomes se détachent sans cesse de la surface des corps, s’ils paraissent naître et mourir à chaque instant, ce n’est pas une raison pour douter qu’ils soient éternels. La mort, en détruisant les corps, ne touche point aux éléments ; son pouvoir se borne à rompre les tissus, à former de nouveaux assemblages, à changer les formes et les cou-