l’eau elle-même se décompose ; mais les membres délaissés ne peuvent soutenir le départ de l’âme ; leur tissu se brise et se putréfie. Exercées dès l’âge le plus tendre à portier conjointement le fardeau de la vie, ces deux substances sont unies si intimement que, dans le sein maternel même, elles ne peuvent se séparer sans périr. Et quand leurs conservations réciproques sont aisi liées, il faut bien avouer que leurs natures le sont aussi.
Au reste, l’esprit (animus) est le principal soutien de la vie : notre conservation dépend plus de lui que de l âme (anima). En effet, sans l’esprit et le jugement, l’âme ne peut rester un seul instant dans nos membres ; elle se dissipe jusqu’à la moindre particule, elle suit son guide dans les airs, et ne laisse aux membres flétris que le froid de la mort. Mais l’homme reste vivant tant qu’il conserve l’esprit et le jugement : son corps pourra être mutilé et perdre en partie son âme et ses membres ; ce tronc informe respirera toujours et conservera le sentiment. Tant qu’il n’est pas dépouillé de son âme tout entière, quelque faible portion qui en subsiste, par ce lien il tient encore à la vie. Ainsi, quand même les parties qui environnent l’œil seraient déchirées, si la prunelle demeure intacte, la faculté de voir se conserve dans toute sa vigueur : pourvu que la sphère entière de l’organe ne soit pas affectée, coupez les parties voisines et laissez la prunelle isolée, la vue ne sera point en danger. Mais si vous endommagez le centre de l’organe, qui n’est qu’une si petite partie de l’œil, quand même le reste de l’orbite serait pur et transparent, la lumière s’éteint tout à coup, et les ténèbres lui succèdent. Telles sont les lois invariables de l’union de l’esprit et de l’âme.
L’âme, comme je te l’ai enseigné, est formée de molécules