les premières distinctions. On imagina ensuite la richesse, on découvrit l’or, qui ôta sans peine à la force et à la beauté leur prééminence : car la force et la beauté vont d’elles-mêmes grossir la cour des riches.
Si l’on se conduisait par les conseils de la raison, la suprême richesse serait la modération et l’égalité d’âme, car on ne manque jamais quand on désire peu. Mais les hommes ont voulu se rendre puissants et illustres, pour établir leur fortune sur des fondements solides, et mener ainsi une vie tranquille au sein de l’opulence. Vains efforts ! Le concours de ceux qui aspirent à la grandeur en a rendu la route périlleuse, et, s’ils arrivent au faite, l’envie, comme la foudre, les précipite souvent dans les horreurs d’une mort humiliante.
Ainsi, après le meurtre des rois, les débris des trônes et des sceptres, autrefois l’objet de tant de respects, demeuraient confondus dans la poussière ; les pieds des peuples foulaient ces ornements superbes, qui, arrachés de la tête des princes et souillés de sang, regrettaient leur ancienne place ; car on écrase avec joie ce qu’on a adoré avec crainte. L’autorité retourna donc alors au peuple et à la multitude ; comme chacun voulait commander et s’ériger en souverain, on choisit parmi eux un certain nombre de magistrats, on institua des lois, auxquelles on se soumit volontairement ; car les hommes, las de vivre sous l’empire de la violence, épuisés d’ailleurs par les inimitiés particulières, eurent moins de peine à recevoir le frein des lois et de la justice ; et comme le ressentiment portait la vengeance plus loin que les lois ne le permettent aujourd’hui, ils s’ennuyèrent de cet état de violence et d’anarchie : de là cette crainte d’être puni qui empoisonne tous les plaisirs de la vie. L’homme injuste et violent s’enlace lui-même dans ses propres filets ; l’iniquité retombe presque toujours sur son auteur, et il n’y a plus de paix ni de tranquillité pour celui qui a violé le pacte social. Quand même il se serait caché aux dieux et aux hommes, il doit être dans des alarmes continuelles que son délit ne soit découvert ; car on dit qu’il s’est trouvé bien des gens qui, en songe ou dans le délire de la maladie, se sont souvent accusés eux-mêmes, et ont révélé des crimes qui avaient été tenus secrets pendant longtemps.
Maintenant quelle cause a répandu chez tous les peuples